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Isularama
2 juillet 2011

L’événement littéraire

COUV MEDIOCRITELe miroir des médiocrités
est, sans conteste,
l’événement littéraire
majeur de la saison.

 


Cacciamosca y développe jusqu’à son point ultime l’idée selon laquelle le lecteur recrée à sa guise le texte qui lui est soumis, indépendamment de toutes les intentions dont l’auteur est supposé avoir truffé sa rédaction. L’œuvre, à cet égard, n’existe qu’en tant que lieu de projection de tout ce qui, à un moment donné, peut traverser l’esprit de celui qui la reçoit. Son succès n’est ainsi rien d’autre qu’une agglutination collective de raisons éparses, davantage portées par les rumeurs qui se forment que par les lectures effectives. Il est tout aussi inutile d’avoir lu un livre que d’avoir été témoin d’un crime pour porter sur eux un jugement. Il suffit, en effet, de prendre part à la propagation des bonnes raisons d’absoudre ou de condamner, et de moduler son verdict en fonction des circonstances toujours très particulières dans lesquelles se forme le débat, c’est-à-dire la confrontation de points de vue déjà installés.  S’ils concordent, ils se renforcent. S’ils s’opposent, ils se renforcent aussi puisqu’ils incitent à ajouter, à ce qui allait déjà sans dire, des arguments qui convaincront en premier lieu celui-là même qui les énonce. Si, dans ce jeu agonistique, deux camps se forment, alors tous deux diront chacun de l’autre « voyez comme ils déforment les choses ». Certains diront même que, non seulement Cacciamosca avait mis tous les lecteurs face à leurs responsabilités en leur servant des pages blanches, mais qu’il avait même fait l’effort de la clarté absolue en expurgeant de fait son propos de toute phrases longues, de tout vocabulaire abscons, de toute thématique dérangeante ou de toute problématique fouillant à coup de groin ou de concepts quelque matériau abstrus, reniflé ou expertisé à grand renfort de jugements péremptoires taillés de toutes pièces dans les idées reçues. Jamais la littérature consensuelle n’était allée aussi loin dans l’expression de son idéal. Enfin, elle produisait une œuvre à même de cristalliser toutes les lectures, même les plus médiocres. Chacun s’entendant pour y lire une expression vivante, limpide et féroce de la médiocrité des autres, il était à la fois facile et bénéfique d’y souscrire. Jamais un livre n’avait offert autant d’effets contre si peu d’efforts.

Au demeurant, que les bibliophiles s’arment de patience. Ce sera le livre le plus intriguant, lorsque se réglera la succession de son propriétaire. Il est peu probable qu'il soit jeté avec les autres ouvrages de la bibliothèque dans le carton promis au bouquiniste. Certaines œuvres ont la vie dure, qu’on se le dise !


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