Un vote des plus symboliques !

La Corse étonne encore par ses capacités de mobilisation !
Notons que l’occasion d’aller toquer à la porte de l’Onu,
et de s’y singulariser, ne se présente pas tous les jours.

Le porte-drapeau d’aujourd’hui est un arbre millénaire, un pistachier-lentisque. — Un symbole. — Il a échappé à toutes les politiques de terre brûlée qui jalonnent notre histoire. Il a proprement résisté, il y a une trentaine d’années, au grand arasement des sols de la Plaine Orientale, refusant de se coucher devant la lame du bulldozer qui s’employait à transformer en terres arables et rentables les forêts et maquis enserrant les pacages, les emblavures et les prés à fourrage ; domestiquant le paysage en y déroulant des bobines de câbles électriques, de tuyaux d’arrosage et de fils de fer barbelés. Arc-bouté sur ses racines, il a refusé de céder sa place endémique à des boutures de circonstance, plantées au gré des fluctuations du prix des denrées agricoles, et prêtes à libérer les lieux contre une prime à l’arrachage, pour être remplacées par d’autres cultivars bien plus modernes mais tout aussi précaires. — Un document. — Le petit tertre qu’enserrent ses racines serait le vestige d’un four romain. Il est dressé sur la butte qui borde le lit du Fium’Orbu et domine, sur l’antique chemin des transhumances, le gué de Gattone, où le cours d’eau peut être franchi par un troupeau et ses bêtes de somme. Par une armée en marche, aussi. C’est peut-être là que, le 18 avril 1816, pour ne point mouiller sa noble culotte, le Marquis de Rivière, sur le point d’être capturé, a franchi le fleuve sur le dos d’un de ses soldats, après avoir eu son cheval tué entre ses jambes. La troupe mixte du Commandant Poli venait de repousser l’armée des pacificateurs. On écrira « (…) il n’avait pu soumettre le canton du Fiumorbo ; sa vie y avait été plus d’une fois en danger. Un jour, il fut couché en joue par deux cents rebelles, et se précipita vers eux au cri de Vive le Roi ! suivi de quelques personnes. Cette intrépidité les désarma, et les manières affables de M. de Rivière achevèrent de les soumettre. [1] » Mais notre pistachier lentisque sait qu’après cet épisode pitoyable, de Rivière fut rappelé à Paris, et la « paix des braves » signée par son successeur. Bien évidemment, le petit panonceau aujourd’hui apposé à son pied ne signale que la curiosité botanique. Votons pour elle ! Attention ! Clôture du scrution le 30 octobre prochain [2]. Faites-passer !

[] Xavier Casanova

[1] Louis Gabriel Michaud, Biographie des hommes vivant ou Histoire par ordre alphabétique : Tome cinquième. Paris : L. G. Michaud, janvier 1819. En exergue, les ouvrages de cette collection citent Voltaire et brandissent comme une devise : « On doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts que la vérité. »

[2] À dix jours de la clôture du scrutin, la Corse est en tête, avec plus de 7400 votes enregistés pour son Listincu di Gattone. S’il l’emporte, on pourrait demander au groupe Scontru de venir chanter son Cumandante Poli au pied de l’Arbre de l’année !