Manifeste pour un oulipisme local de comblement
En tirant avantage et profit de la dynamique qu’exprimait, en son temps, le Manifeste des Agriates (2009), il eût été possible de fonder un groupe expérimental « U Lippò » (de l’angl. Hoolipower, –ism, –ist), et de le lancer dans la création non pas d’une littérature neuve (d’autres s’en chargent), mais de ses prémices absentes, un corpus d’œuvres anciennes, recréées par ouliposuccion (cf infra). En effet, le puzzle littéraire local manque cruellement de vieilles pièces, notamment antérieures à la prolifération des publications actuelles, qui ne reflète rien d’autre que l’entrée des classes surnuméraires du Babilboom dans l’âge de la retraite.
Les Lettres du moment se trouvent ainsi, en dehors de quelques libéraux oisifs, avocats ou médecins, entre les mains d’une génération de fonctionnaires, aujourd’hui hors cadre, recrutés, pour les plus hauts perchés, sur leur aptitude à faire de tout synthèse. À cet égard, un avantage certain est donné à ceux qui, ayant épousé une carrière adéquate, s’offrent une retraite précoce ; policiers et militaires, notamment. S’y ajoutent ceux qui, dans un contexte de privatisation des services publics, ont été poussés, par divers stratagèmes, vers une retraite anticipée.
Ce tableau humain n’a rien de sombre. Il vient, bien au contraire, revivifier le paysage intellectuel. Les tendances au conservatisme liées à l’âge sont, en effet, compensées par validation des acquis de l’expérience. Il n’en reste pas moins qu’ils fondent une littérature en devenir, sans véritablement combler les manques des siècles passés. Or, il est possible de remédier à cette carence en imaginant un recueil de morceaux choisis qui reconstituerait, à partir d’œuvres anciennes, quelques uns des chainons manquants des Lettres locales.
Avant d’imaginer cette compilation, il fallait inventer les modes opératoires permettant d’en créer les pièces. L’ouliposuccion en est un. Elle consiste à ponctionner, dans des œuvres pertinentes, des passages qui, par leur universalité, se prêtent remarquablement à une réécriture où, après injection de ce qu’il faut de particularités, elles s’intègreraient dans la singularité des Lettres locales. De manière générale, plus la source est ancienne, plus sa transmutation est aisée. En effet, lorsque d’anciens textes conservent à nos yeux toute leur force, c’est que leur trame repose sur des archétypes ayant perduré jusqu’à nos jours. Il suffit alors, le plus souvent de très petites substitutions, opérées au niveau de détails très anecdotique, pour les transposer dans un autre lieu et un autre temps, sans que ce soit pour autant une autre culture. En effet, plus on remonte loin en arrière, tout en restant dans la sphère partageant l’héritage romain, plus on s’éloigne de l’inextricable foisonnement des branches, ramures ou dendrites actuelles, et plus on se rapproche du tronc commun d’autrefois.
Mais, les préambules fastidieux étant, de nos jours, unanimement tenus pour d’inutiles prises de tête, donnons un exemple. Il montrera par lui-même comment, à peu de frais, peuvent se combler les lacunes. Ici, en s’en allant glaner du côté des Humanistes de quoi composer la figure de notre Urasmu di Rotadarma.
© Isularama by La Gare, 2012