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Isularama
22 janvier 2012

Manifeste pour un oulipisme local de comblement

En tirant avantage et profit de la dynamique qu’exprimait, en son temps, le Manifeste des Agriates (2009), il eût été possible de fonder un groupe expérimental « U Lippò » (de l’angl. Hoolipower, –ism, –ist), et de le lancer dans la création non pas d’une littérature neuve (d’autres s’en chargent), mais de ses prémices absentes, un corpus d’œuvres anciennes, recréées par ouliposuccion (cf infra). En effet, le puzzle littéraire local manque cruellement de vieilles pièces, notamment antérieures à la prolifération des publications actuelles, qui ne reflète rien d’autre que l’entrée des classes surnuméraires du Babilboom dans l’âge de la retraite.

Les Lettres du moment se trouvent ainsi, en dehors de quelques libéraux oisifs, avocats ou médecins, entre les mains d’une génération de fonctionnaires, aujourd’hui hors cadre, recrutés, pour les plus hauts perchés, sur leur aptitude à faire de tout synthèse. À cet égard, un avantage certain est donné à ceux qui, ayant épousé une carrière adéquate, s’offrent une retraite précoce ; policiers et militaires, notamment. S’y ajoutent ceux qui, dans un contexte de privatisation des services publics, ont été poussés, par divers stratagèmes, vers une retraite anticipée.

Ce tableau humain n’a rien de sombre. Il vient, bien au contraire, revivifier le paysage intellectuel. Les tendances au conservatisme liées à l’âge sont, en effet, compensées par validation des acquis de l’expérience. Il n’en reste pas moins qu’ils fondent une littérature en devenir, sans véritablement combler les manques des siècles passés. Or, il est possible de remédier à cette carence en imaginant un recueil de morceaux choisis qui reconstituerait, à partir d’œuvres anciennes, quelques uns des chainons manquants des Lettres locales.

Avant d’imaginer cette compilation, il fallait inventer les modes opératoires permettant d’en créer les pièces. L’ouliposuccion en est un. Elle consiste à ponctionner, dans des œuvres pertinentes, des passages qui, par leur universalité, se prêtent remarquablement à une réécriture où, après injection de ce qu’il faut de particularités, elles s’intègreraient dans la singularité des Lettres locales. De manière générale, plus la source est ancienne, plus sa transmutation est aisée. En effet, lorsque d’anciens textes conservent à nos yeux toute leur force, c’est que leur trame repose sur des archétypes ayant perduré jusqu’à nos jours. Il suffit alors, le plus souvent de très petites substitutions, opérées au niveau de détails très anecdotique, pour les transposer dans un autre lieu et un autre temps, sans que ce soit pour autant une autre culture. En effet, plus on remonte loin en arrière, tout en restant dans la sphère partageant l’héritage romain, plus on s’éloigne de l’inextricable foisonnement des branches, ramures ou dendrites actuelles, et plus on se rapproche du tronc commun d’autrefois.

Mais, les préambules fastidieux étant, de nos jours, unanimement tenus pour d’inutiles prises de tête, donnons un exemple. Il montrera par lui-même comment, à peu de frais, peuvent se combler les lacunes. Ici, en s’en allant glaner du côté des Humanistes de quoi composer la figure de notre Urasmu di Rotadarma.

 

Urasmu di Rotadarma

Dans sa thèse si souvent citée, Vicky Pedia souligne la grande amitié qui liait Urasmu et Grotius Minutius, tous deux partageant un même « goût de l’humour à froid et des jeux de l’esprit ». Sa « Fola di l’elogiu », ou fable de l’éloge, a été écrite hors saison, en une semaine, dans un meublé « tout confort vue sur l’amer » que, gracieusement, Grotius avait mis à la disposition de son ami. Ainsi aura-t-elle été rédigée du samedi au samedi, entre deux traversées. Urasmu s’offrait alors un peu de repos après un séjour éprouvant à Rome, où il était aller négocier avec le Pape le droit de porter le pilone sur son habit monastique, marquant ainsi combien il tenait à ce que sa ferveur identitaire passe au premier plan, dans la présentation de sa personne, comme il l’exposera dans son « de supra consecratio stultitiæ ». Il se préparait aussi à reprendre le chemin de Rome, alors décidé à renoncer à toute carrière ecclésiastique, et à s’inscrire comme auditeur libre au centre d’études corses, aux fins d’y œuvrer à son élection à l’Académie des Vagabonds.
 
A fola di l’elogiu
 

Urasmu di Rotadarma

Urasmu, A Fola di l’elogiu,
Corte : Biblioteca Classica Corsicæ, 1998.
(Trad. Ziu Wang Shou-Hsing)
 


L’AUTEUR

Par une coquetterie qui atteste d’une très ancienne fascination pour les armes, les commentateurs ont tôt pris l’habitude de parler d’Urasmu « di Rotadarma », comme un hommage rendu à sa fulgurence.

Dans les armes à feu portatives du temps des Humanistes, la « rota d’arma » est le rouet, pièce générant l’étincelle qui met le feu aux poudres, dans un ingénieux mécanisme libérateur. Il libère, en effet, la main gauche, autrefois occupée à tenir la mèche, et désormais employée à maintenir le canon, en lieu et place d’un encombrant support.


LA LANGUE

Ici, traduire en note les termes et expressions données en corse par l’auteur briserait non seulement l’étonnante dynamique du texte,
mais surtout effacerait la savoureuse opposition entre les mots effectivement empruntés à l’idiome corse et les inventions verbales les plus débridées.

L’ŒUVRE

A fola di l’elogiu
Modus orandi Corsicam
Nazzione & inazzione, ultima edizzione ripigliata, amendata & amplificata, cù una tavola di i sughetti assai ampia, precisa, esatta & vera.

© Isularama by La Gare, 2012

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