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Isularama
4 juillet 2012

Une plaisanterie noire et déplacée

SUMER TUE

Jean-Félix Cacciamosca soumet à notre perplexité ce qu’il considère comme la plaisanterie la plus noire et la plus déplacée de sa production récente.

Image : Ghjuvanfelice Cacciamosca,
© by LA GARE,  2012.

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Commentaires
L
Primo. — Je serais mal placé pour contredire le fait que John Hartzan n’a jamais dit ceci, puisque c’est moi qui le dit et non lui.<br /> <br /> <br /> <br /> Secundo. — Son éviction par Milton Friedman est la conséquence non pas d’une divergence de vue, mais d’une convergence dans l’exécration réciproque que se vouent tout naturellement l’un à l’autre deux brillants faussaires. Milton, avantagé par l’aura internationale de théories à succès fortement attachées à son nom, n’a eu aucun mal à clouer le bec à Hartzan, pas plus qu’à le clouer au pilori, sous l’étiquette assassine de « gauchiste ». Ainsi n’est-il pas nécessaire, pour écrire l’histoire, de disposer d’une profusion de signes. Deux clous suffisent, pourvu qu’ils soient bien plantés. L’un au cœur de l’adversaire. L’autre dans la tête de l’opinion. « Marché, que de crimes commet-on en ton nom ! » hurleront les vrais gauchistes, renforçant ainsi l’idée que Hartzan en était un. Il n’en était rien. Il ne put s’en disculper. C’est le sort des innocents accusés de sorcellerie que d’être carrément écrasés si hurlent à l’injustice les sorcières elles-mêmes.<br /> <br /> <br /> <br /> Tertio. — Je sens poindre dans vos remarques une sorte de physiocratisme scriptural valorisant l’efficacité de l’idée plutôt que l’inflation du signe dans l’évaluation de la richesse intellectuelle, comme autrefois les physiocrates valorisaient les biens matériels plutôt que la monnaie, simple moyen d’échange à leurs yeux. Et, effectivement, on peut se demander si une idée forte, simple, concise, intuitive, ne nécessitant aucune formulation alambiquée (votre interjection « Quelle bande de concessionnaires ! » est une excellente illustration) ne pèse pas davantage, dans la richesse intellectuelle, qu’une grande œuvre classique par exemple. Imaginons simplement une réécriture misérable des Misérables fabriquant à foison d’authentiques misérables, sans se perdre ni dans la description de leur état ni dans les méandres de leurs vies chaotiques. Ne pensez-vous pas que l’on toucherait ainsi à une vérité de la misère transcendant la démultiplication des textes abordant la question ? Quant à la fraction de la littérature sensée livrer des vérités sur la richesse, chacun sait que tous les efforts consacrés à la comprendre ou à la mettre en application ne font jamais rien d’autre que de détourner, chez ceux qui s’y perdent, leur attention, la détournant ainsi de la seule observation qui compte : celle de leurs congénères. Epier et piller, tel est le bon programme. Direct. Sans prise de tête. En ce sens, comme vous dites si bien : « l’argent ne pense pas ». Plus il se fait rare moins la pensée est utile, tandis que s’accroit la nécessité de l’acte. Plus la nécessité fait loi, plus l’intelligence pertinente est celle qui s’emploie directement dans l’action. Or, c’est l’enchainement des actes qui crée les richesses, et non pas la concaténation des pensée, pas davantage que l’accumulation de signes liés aux développements de la pensée, pas moins que la transformation, par calcul, de la configuration des agrégats de signes, avec l’idée d’en tirer enseignements et prédictions. Tout enseignement est fallacieux, comme toute prédiction fausse. La théorie serait belle si elle était sans faille. Or — paradoxe — il reste à apprendre aux intellectuels à cesser de penser, ce qui ne saurait se faire sans leur prédire — dans leur propre langage, par le truchement des écrits qui seuls à leurs yeux font foi — l’avenir radieux promis à ceux qui feraient l’effort de ne plus user de davantage de mots que le juste nécessaire. Pour revenir à Hartzan, notons qu’il s’est illustré à travers sa loi décrivant très précisément les fluctuations parfaitement symétrique des excédents monétaires et des excédents scripturaux. Elle incite à soumettre les politiques culturelles aux mêmes règles qui prévalent en matière de politique monétaire. Notamment la privatisation des banques de connaissances et l’éradication, à moyen terme, des ilots culturels où perdurent des cultures fictives sans autre valeur que leur capacité à absorber à leur profit — le plus souvent en bénéficiant de complicités politiques — les excédents monétaires résiduels. S’il subsiste des fonds de tiroir, Hartzan préconise de les verser aux consommateurs plutôt qu’aux créateurs. Ils se trouvent ainsi dilués dans un marché dont-ils fluidifient le jeu, plutôt que concentrés en quelques mains qui, n’en faisant qu’à leur tête — sans accroître la richesse, pas même la leur — « poétisent plus haut que leur luth » (1).<br /> <br /> <br /> <br /> (1). Je sais que je cite, mais ne sais plus qui.
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Z
Absolument pas.<br /> <br /> John Hartzan n'a jamais dit cela. D'ailleurs, il a été viré de l'Université de Chicago à cause de ses écrits étiquetés "gauchistes" par Milton Friedman.<br /> <br /> Au contraire, son idée est que les Sumériens sont les premiers grands capitalistes de l'Histoire et que leur déclin est dû à leur écriture de type monétaire qui soumettait ipso facto la pensée aux fluctuations et à la crise de leur monnaie. En un mot: quand l'argent (les clous) vint à manquer, la pensée elle-même s'éteignit faute d'instrument pour écrire.<br /> <br /> En fait Sumer est le parfait exemple des catastrophes engendrées par les théories monétaristes. Il faut instaurer une cloison étanche entre la monnaie et l'écriture. La pensée ne vaut rien, le marché ne pense pas.<br /> <br /> De nos jours, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, tout le monde s'accorde à reconnaître que la pensée ne vaut rien, et que les penseurs sont des cons ("Ma fille, tu épouseras un concessionnaire BMW!"). Les pires étant les poètes... Quelle bande de cons ! En revanche, peu nombreux sont ceux qui ont compris que l'argent ne pense pas. Qu'en pensez-vous ?
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L
Merci pour ce commentaire auquel je répondrai en renvoyant John Hartzan dans les clous. Motif : ethnocentrisme. C’est vrai que les plus anciennes tablettes ne sont que des listes associant le nom d’une chose, un nombre signalant sa quantité et la dénomination d’une personne. En fait, ce que la théorie fallacieuse du paléo-cunéologiste américain interprète comme une fiche de paye est un décret de confiscation. Je souscris, au demeurant, à la notion de portrait de l’intéressé, sous réserve de bien voir que ce portrait réduit les caractéristiques de la personne à la liste des choses qu’il détient en propre et dont il convient de le déposséder. Non par contrainte et encore moins par persuasion, mais simplement par la force même de l’écrit, sa puissance performative. Avant de décréter la confiscation, ce qu’établissent ces tables c’est une mesure précise de la convoitise émanant de la personne du fait qu’elle possède ; convoitise qui en se projetant sur le corps social — aussi bien sur ceux qui n’ont rien que sur ceux qui n’en ont jamais assez — porte en germe la menace de sa dislocation. C’est bien une perspective américaine, très fortement imprégnée par les thèse de l’école de Chicago (admirablement subsumée par le « chie=cago » de Lacan) que de faire du désir une excrétion émanant de la personne et dirigée vers tout ce qu’on peut s’offrir avec les « clous » récoltés au cours du procès de travail. En fait, il n’est de vrai désir que tourné vers un objet convoité. Pour toi, c’est celui qui entre tes mains prend forme. Pour l’autre, c’est celui qu’entre tes mains tu détiens. Et si tu le détiens pour l’avoir fait, alors sa convoitise est décuplée : il convoite en effet, outre ton objet, ton savoir faire. Comprends bien, dès lors, qu’il convoite ton propre désir ; et qu’il le dominera en t’interdisant de le satisfaire sans t’acquitter au préalable de tes abonnements à l’indispensable. À quels contrats es-tu ainsi cloué ?
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Z
Les Sumériens étaient des radins. Ils payaient leurs employés avec des clous...<br /> <br /> Selon John Hartzan, le célèbre paléo-cunéilogiste de l'Université de Brownsugar (Morphinopolis, USA), l'écriture sumérienne est né en 5000 av JC avec les premières fiches de paye. Le portrait du salarié était représenté sur la tablette d'argile, avec en face... des clous. L'avarice est la mère de l'écriture, et donc de l'intelligence. <br /> <br /> Soyez radins : offrez des clous. Vous irez loin !
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