Silence, on tourne en rond !

— T’en fais une gueule ! T’es descendu voir le docteur ?
— Non, simplement faire mes courses.
— Il y a quelque chose qui va pas ?
— Un concombre, un euro, deux tomates, deux euros, trois poivrons, trois euros…
— T’as que ça à me dire ?
— Si tu veux, je te le chante. Dis-moi : lamentu ou gigue caissière ?
— Putain ce que tu es négatif, toi ! Remonte vite au village.
— C’est ça ! Pour la salade de saison, manque plus que le vinaigre !
— Putain, ce que tu es négatif, toi ! T’es en vacances, non ?
— Hélas, je n’ai pas ta chance.
— Ah ! Tu crois que c’est une chance ?
— Si tu veux, on échange : vacances sporadiques contre vacuité perpétuelle.
— Ça, c’est bien toi ! T’as pas changé.
— Et toi, tu n’as pas bougé.
— Ce que tu dis ! Tu crois qu’on sort jamais ?
— Stop ! Tu vas me dire que tu es retourné à Disneyland.
— Comment tu sais ?
— Simple calcul de probabilité.
— Justement. J’ai aussi fait un tour à Marseille.
— Simple calcul dans la vésicule ?
— Comment tu sais ?
— C’était une question.
— Il y a quelqu’un qui te l’a dit ?
— Non, c’était une question.
— Si tu me la poses, c’est que tu sais.
— Tu confirmes ?
— Tu n’en parles pas au village.
— Compte sur moi. Je ne parlerai que du prix des légumes.
— Pour Disneyland, tu peux quand même le dire.

Jean-Félix Cacciamosca, Cahier d’un retour au pays fatal.
Ste Lucie de Sporta-Nova : Editions Salve Regina, 2012.
(p. 98).