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Isularama
17 janvier 2013

Molière, reviens, ils sont devenus flous !

 

LES SAGES RIDICULES ou LA CENSURE INSENSEE

 

Les Sages ridicules
ou
La Censure insensée

Comédie en trois actes
(Résumé)

 

ACTE I

SCENE 1. — À la fin des années 94, une loi est promulguée, disant, en son article premier : «  La Corse est dotée d'un statut fiscal destiné à compenser les contraintes de l'insularité et à promouvoir son développement économique et social. » Elle est cosignée, notamment, par Balladur, Pasqua et Sarkozy. Tiens ! Le Conseil Constitutionnel de l’époque n’a pas sanctionné ce texte, au nom de l’égalité devant la loi.

SCENE 2. — Entre 1994 et 2012, qu’est-ce qui a changé ? La Constitution ou le Conseil Constitutionnel ? Je note que le Congrès a apporté plusieurs retouches à la Constitution du 4 octobre 1958, par exemple, avec la loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle Calédonie. Tiens ! Le Congrès de l’époque a admis que des spécificités locales puissent être constitutionnellement reconnues.

SCENE 3. — Fin décembre 2012, le Conseil Constitutionnel statuant sur la loi de finance rejette notamment son article 14 ; un rejet dont la conséquence est grave puisqu’elle rend immédiatement applicable l’abrogation des arrêtés Miot qui, depuis 1801, dotait la Corse de dispositions spécifiques en matière de succession. Ce rejet casse toute idée de période transitoire, et d’examen serein des conséquences économiques et sociales, immédiates et à long terme, de cette abrogation.

ACTE II

SCENE 1. — Ma lecture de cette situation est la suivante. — L’arrêt du Conseil Constitutionnel est un coup politique. — Il n’est pas dirigé contre la Corse, mais contre le Gouvernement. — Il instrumentalise la Corse : peu importent les conséquences locales, économiques et sociales, – une manipulation corrigera au besoin les opinions publiques –, pourvu que la Corse soit une épine dans le pied du Pouvoir. — Par ailleurs, aux yeux d’une certaine droite, c’est dans une bonne logique néo libérale, que de permettre aux lois du marché de jouer en Corse, où, comme partout ailleurs entre gens solvables, les choses doivent s’échanger à leur vraie valeur marchande, telles que fixées par la puissance et l’appétit du mieux offrant. Sans entraves.

SCENE 2. — En conséquence, la réponse ne peut être que politique : la Corse n’est pas une marionnette que l’on peut distordre dans tous les sens au gré des politiques du moment, un coup dans le sens de la reconnaissance de ses spécificités géographiques, sinon historiques ; un coup dans le sens de l’ajustement de ses mœurs aux lois, au nom de l’égalité de tous devant la Loi, en feignant d’ignorer toutes les lois qui régissent l’enchevêtrement complexe des situations particulières, notamment en matière fiscale.

SCENE 3. — La Corse a des représentants, notamment ceux qui siègent à l’assemblée territoriale. Les anciens s’étaient déjà exprimés en 2008 sur les conséquences de l’abrogation des arrêtés Miot, et la nécessité d’une transition correctement gérée. Les nouveaux n’ont eu de cesse de remettre la question à l’ordre du jour, notamment devant la Commission Chaubon. Comment pourraient-ils ne pas réagir unanimement à une décision qui balaye d’un revers de manche leurs analyses et leurs propositions ? Comme elle balaye d’un revers de manche ce qui, dès 1994, était énoncé dans la loi ?

ACTE III

SCENE UNIQUE. — À mes yeux, ce qui est en jeu, plus que la négociation timorée d’un moratoire, c’est la reconnaissance de la capacité des représentants de la Corse à rendre compte de la situation locale, et notamment de la manière dont, au fil de l’histoire, à travers des dispositions spécifiques en matière de succession, s’est déployé un attachement des Corses à leurs biens fonciers et immobiliers, dans la copropriété de communautés d’héritiers. À mes yeux, c’est cette réalité qu’il convient de travailler, avec le sentiment d’avoir la chance de conserver toujours vivant cette forme de propriété collective, et la malchance de ne jamais avoir réussi à la doter d’un cadre permettant sa gestion. Un cadre éthique valorisant toutes les cessions gracieuses qui, de génération en génération, se sont opérées au fil des siècles, et un cadre juridique permettant de passer outre les blocages individuels.

EPILOGUE. — Quelque part, faute d’autres institutions, l’indivision aura été et est encore au fondement du sentiment d’appartenance à la Corse, ses familles, son peuple et ses lois. Pour le meilleur et pour le pire. Le pire du pire ? L’individualisme généralisé. Et une égalité dévoyée en soumission de tous aux fantasmes de ceux que la fortune place au-dessus des lois, des constitutions et des principes dont elles émanent. Ici, comme ailleurs.

Le rideau se ferme.
On entend des bruits de manifestation
.

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