Lacanu di Nazzaconi : prologue (extrait)
Dans notre précédent billet,
on lira avec profit la présentation générale que nous faisons du Lacanu di Nazzaconi : village typoresque,
de Jean-Félix Cacciamosca.
Après l’avertissement aux lecteurs et la préface, l’auteur y donne un prologue, qui est l’occasion de mettre en œuvre et en pratique ce qu’il entend par « typoresque ».
Loin de s’y employer en déployant une définition arride et conceptuelle, il l’illustre en l’appliquant directement au personnage qui accompagne toujours la publication des travaux de plume : l’éditeur.
UN EDITEUR TYPORESQUE |
TEL QUE JE LE CHERCHE. — Abordable & adorable, il accueille, amène & gracieux, affable & courtois, toute personne qui dit avoir des textes dormants, que ce soit au fond de malles héritées d’un mort prolixe & luxuriant, que ce soit au fond de ses propres tiroirs où grouillent ses carnet gorgés de notations intimes, truffée d'observations exotiques, rassasiée de transcriptions véridiques, entrelardées de divagations imaginaires, & même imprégnées à l’occasion d’extravagances inopinées, profondes & prophétiques, dont une historiette touchante à endormir les enfant, récemment retravaillée en historiette lyrique à endormir les petits-enfants, donc désormais intemporelle & universelle, & de ce fait parée de toutes les qualités qui font avancer sinon la science du moins les lettres. TEL QUE JE LE TROUVE. — Il sait son échoppe & ses casiers, sa marchandise & sa répartition, sa chalandise & ses penchants. Il ne tranche que sur texte abouti. Le plus souvent, il cède alors gracieusement un compliment & une excuse : lieux exigus, sujet inadéquat, clientèle frileuse. Parfois, il concède prudemment un dépôt vente, si la qualité du prétendant y incite ou oblige. Très rarement, son expression se fait grave, sombre & perplexe. C’est qu’il sent poindre en lui ce qui en a tué plus d’un : les prémices d’un ravissement euphorique & l’ombre de leur mutation en enthousiasme. C’est alors qu’il vous déverse, excité et exalté, un interminable discours sur les invendus, les défraîchis, les retours, les déceptions inattendues & les faillites certaines. Ainsi panse-t-il ses anxiétés plus qu’il ne soigne ses compliments. N’attendez pas d’autres louanges que cet éloge : selon ce que révèlera l’avenir, il affectera les fortunes à son flair & les infortunes à son audace. Vendu, ou invendu, vous vous flatterez toujours de votre plume. Vendu, il se glorifiera de son nez. Invendu, de ses couilles. |
Jean-Félix Cacciamosca, Lacanu di Nazzaconi : village typoresque, op. cit. |