Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Isularama
9 août 2014

Langue régionale : ouvrir une voie radicale

 

EROS PUNI POUR S'ETRE TROMPE DE CIBLE

Ainsi parlait le Tribunal administratif de Pau [1], rappelant donc que « les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leur relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage. » Si nul n’est sensé ignorer la loi, il n’est pas dit pour autant qu’ignorer le français soit un délit. Bonne mère, la France offre à ses administrés, lorsqu’ils sont notoirement sous-instruits et hermétiques aux divers dialectes administratifs, des assistantes sociales pour leur traduire en français standard les jargons spécialisés, et les aider ainsi à cocher [2] la bonne case sur des formulaires indispensables à l’ouverture de leurs droits. Si nul ne peut se prévaloir d’un droit à user d’un idiome autre que le français, il n’est pas dit pour autant que l’on puisse poursuivre quiconque sur le simple motif de carences lexicales et grammaticales graves et avérées. Ainsi suffit-il de ne rien savoir de l’idiome légal pour s’ouvrir droit à l’assistance d’un travailleur social, fin connaisseur des bonnes cases à cocher. Les sémiologues noteront aussitôt que la case est un objet strictement graphique servant, le cas échéant, à noter la correspondance entre le cas singulier d’un particulier et le cas général tel qu’énoncé par une formule générique qui, elle-même, peut partiellement se soustraire à l’idiome légal en introduisant, par exemple, des chiffres dont la valeur est constante, indépendamment de la langue servant au besoin à les oraliser. Sur ce constat, il est cohérent de bannir les expressions chiffrées des relations administratives sur le principe d’une atteinte à la Constitution, qui, elle-même contrevient à ce qu’elle énonce puisqu’elle use de chiffres pour la numérotation de ses articles. Idem pour les cases, si générales dans les formulaires. Sur le constat précédent, il est tout à fait cohérent d’admettre que, si une ignorance de l’idiome administratif ouvre droit à l’assistance d’un travailleur social, l’ignorance de l’idiome légal devrait ouvrir droit à celle d’un travailleur linguistique. En conclusion : c’est en désapprenant le français que les défenseurs d’un idiome autre auront gain de cause, et non pas en prônant le bilinguisme ou, pire, en déployant en français toutes sortes d’arguties pour réclamer en français l’officialité d’un idiolecte non-français. L’ignorance vraie et massive a plus d’effet social que la plus parfaite des argumentations. Que l’on se rassure : les programmes scolaires y préparent de mieux en mieux, et les rythmes scolaires de plus en plus.

[1] LIRE. — « Langues régionales : le basque (re)lance l’offensive », in Le Point, 08/08/2014.

[2] COCHER. — Les fins connaisseurs de l'idiome constitutionnel savent que « cocher », c’est faire une encoche, par exemple sur la crosse du fusil pour noter les tirs au vol réussis, ou sur une pancarte pour la marquer de son passage sans avoir à cocher l’arme elle-même, s’agissant d'un tir insignifiant. Les fins détracteurs de la constitution, en ses dispositions linguistiques, savent que « cocher » c’est aussi une expression de basse-cour, certes vieillie, désignant l'action accomplie par un volatile mâle couvrant une femelle. « Un coq qui coche une poule », écrit Bernardin de Saint-Pierre en ses Harmonies de la Nature (1814). Par dérision, Cacciamosca écrira « Attention, un train peut en cocher un autre », en sa manière de cocher les exégètes approximatifs, par ailleurs appelés « englueurs de mouches ».

[•] ILLUSTRATION. — Eros s’étant trompé de cible, Venus le prend par l’oreille et le conduit à Peitho, la Persuasion. Fresque de la Casa dell’Amore punito, Pompei (Musée archéologique national de Naples). Œuvre dans le domaine public, l’auteur étant reconnu mort depuis belle lurette.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Isularama
Publicité