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Isularama
17 avril 2015

Sognu stranu / Songe étrange

PIEGHJE E MUNTAGNE

Ce matin, je me suis réveillé tard.
Sur un rêve étrange et perturbant.

* * *

Le vent souffle en tempête.

J’ouvre la porte qui donne sur la pelouse.
Les branches du figuier sont éparpillées sur l’herbe.
Le vent les pousse devant lui comme fétus de paille.

Je porte mon regard sur le parc.
Tous les arbres ont été arrachés.
Il ne reste plus que des souches.

Et j’entends les tuiles qui claquent.
Elles commencent à se détacher.
Elles s’envolent et s’abattent avec fracas.

La maison est carrément soufflée.
Tout n’est plus qu’un champ de décombres.
À perte de vue.

J’entends des cris.
Les voisins accourent.
Ils hurlent et gesticulent.

C’est un miracle ! C’est un miracle ! »
Un miracle ? Quel miracle ?
Du doigt, ils me montrent ma mère.

Elle s’en va comme si de rien n’était.

* * *

Voilà les synthèses qui se forment d’elles-mêmes après les émotions majeures. C’est rare que je les mémorise. Mais parfois elles me réveillent. Faute de tendre le bras vers toi, je jette les doigts sur le clavier. Mais est-ce te sentir ? Répondras-tu ? Dans combien de temps ? Avec quels mots ? Et surtout, dans quel état ?

« Je t’embrasse… », disait alors la pulpe des doigts tapotant le clavier. Ses innervations si sensibles auraient préféré être engagées dans un effleurement immédiat, à portée de main, toujours présent, rappelant la douceur de l’instant d’avant et la promesse que le suivant lui ressemblera autant. « …tendrement », ajoutaient aussitôt les phalanges avec la dextérité d’un clerc de notaire apposant à l’acte une de ces formules toutes faites qui en certifient l’authenticité et la sincérité. Qui leur donne force de loi. Au cas où…

Je mettrai trois sucres dans le bol de café. Exagération, certes. Mais il est des jours où je n’ai rien d’autre pour corriger l’amertume des temps présents et ses attentes infinies.

Le temps qui passe ? Certains ont la chance d’être encore dans des moments qui se mesurent au sablier. La cuisson des œufs mollets. Je suis dans une période où la durée est marquée par la lente montée de cette seconde colline artificielle sur laquelle, de l’autre côté du fleuve, aux confins de la plaine, une noria de camions blancs déverse tous les matins les immondices du présent, saluée par les cris euphoriques et assourdissants d’une nuée de mouettes tournoyant à la verticale d’une montagne de déchets comme autrefois au dessus des bancs d’anchois ou de sardines.

Qui sait si demain, lorsqu’elle sera couverte de terre, verdoyante et arborée, on n’y tracera pas un chemin de promenade grimpant jusqu’à l’embase reconstituée d’une tour génoise plus vraie que nature, où une noria de cars blancs déversera, selon les saisons, les enfants des écoles ou les excursionnistes curieux, pour des leçons d’histoire savamment érigées sur ce qu’il convient d’oublier. 

[] XC

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