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Isularama
25 août 2011

Arthur, reviens !

 

 

EVISA

 

 

MUSES

 

J’aimai le village, ses jardins en terrasses dressant dans le maquis l’escalier des géants, les cantines avinées où s’attarde un facteur, son café réchauffé, sa brûlante eau de vie, la fontaine des vierges, le filet qui s’écoule des deux galets moussus, la procession des veuves, les têtes couronnées de cruches et de bassines, les chevelures écrasées des soifs de la maison, des défroques encrassées rejoignant le lavoir, les enfants accrochés nus aux grands tabliers noirs, les pierres immuables qui écorchent les pas, l’âne solitaire attendant sa bâtée, la jambe de bois martelant la venelle, le lointain contrepoint de la forge, le fer rouge qui résonne comme un battement de cœur, les lauzes suintant l’odeur âcre des suies, l’effluve des urines au pied de tous les murs, le geai sautant d’un cri d’un châtaignier à l’autre, et le ciel silencieux où glisse le rapace. Haut. Très haut, mes frères.

J’aimai le village et je fermai les yeux sur ma mémoire, scrutant en elle la trace ténue des divinités d’antan. Effacées. Supplantées. À jamais. À tout jamais, mes frères.

Mes frères, s’il vous reste en relique une vieille supplique, laissez-la baigner dans sa poussière. N’emplissez pas de poudre et de balles les canons de vos armes. Ce n’est plus ainsi que les hommes prient. Désormais muselés, ils n’ont plus pour dieux que leurs muses. Deux sœurs, mes frères, deux jumelles : Attella et Tutella [1].

Muse nostre.

 

 


NOTE
1. Attelle et Tutelle
Les exégètes ont depuis ajouté à la liste une troisième muse : Nutella.


 

Cacciamosca,
« Une salaison en enfer » (inédit)
© by Isularama, 2011

Image : MashUp issu d'une photo d’Alexandre Morvan, dont l'original et les conditions d'utilisation peuvent être consultées ici.

 

 

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