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Isularama
9 août 2011

Un nouvel article au fictionnaire de La Gare

NapocalypseJean-Félix Cacciamosca
me signale que son éditeur, soumis à diverses pressions de sociétés savantes, de ligues de vertu, de cafés littéraires influents et de poètes jaloux, n’a pas pour autant retiré de la vente son Napocalypse.

L’auteur me précise que l’ouvrage est toujours au catalogue et peut être commandé directement, à défaut de trouver un libraire qui se risque encore à le mettre en rayon.

La controverse qui avait entouré la sortie de ce livre au printemps avait vite été étouffée, pour ne pas offrir – à ce qui n’est jamais qu’un « napocryphe » – une publicité indirecte, en lieu et place d’une mort immédiate et discrète. Il est vrai que l’auteur n’y allait pas avec le dos de la cuillère. Il rapportait, en effet, une expérience de rêve lucide dans laquelle l’île imaginaire qu’il s’était donné comme cadre pour ses exercices nocturnes se mettait à ressembler de plus en plus à la Corse, tandis que la Corse, dans ses songes, se confondait de manière de plus en plus nette avec sa caricature. L’image est forte jusqu’à l’excès. On regrettera cependant que l’auteur ait consacré autant de pages à l’analyse de l’épisode onirique au cours duquel, à l’orée du sommeil, il plonge dans la plus totale des catatonies, s’extrait de son corps dans une reptation semblable à celle d’un spéléologue franchissant une chatière, et contemple l’énorme tête de maure grimaçante qui pèse de tout son poids sur son abdomen. Il décrit le monstre comme une sorte de coquille d’escargot d’où sort un pied présentant autant de replis qu’une vulve charnue. Ce sexe géant, aux muqueuses jaunâtres ourlées de lèvres sombres, larges comme des ailes de raie, descend lentement vers son périnée, traçant sur son ventre son chemin de glaires luisantes et glissantes. Plus que tout, les odeurs de stupre envahissent et gonflent ses désirs. Distendu, son prépuce glisse, découvrant, poinçonné d’un aigle, un gland en or, au méat noirci d’encre sèche, portant le monogramme armorié d’un grand fabriquant de stylos de luxe. Même excessives, les fascinations s’applaudissent quand elles portent sur les emblèmes, et font prendre la plume. Mais pas leur transfiguration en gastéropode, quelque brillant que soit le style et documentée l’écriture. On fit beaucoup pour que l’ouvrage ne soit pas lu, c’est-à-dire rien. Il ne le fut point. La multiplication des condamnations assénées sotto voce par ceux qui n’avaient rien lu rencontra quelques tonitruants défenseurs de grands principes aussi généreux que généraux. Ce débat hors texte suffit à donner à l’ouvrage une place de choix dans la littérature du moment. Toute ignorance volontaire tend, en effet, à propager une connaissance de plus en plus fine des bonnes raisons de ne pas savoir.

Jean-Félix Cacciamosca,
Napocalypse, La Gare, 2011.
(D’après nos dernières informations, l’éditeur donne l’ouvrage pour probablement épuisé ou tout au moins présentement introuvable).

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