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Isularama
16 octobre 2017

Dernières minutes d’innocence

GRAFFITIS BONIFACIENS

Premier livre. – Eléa avait en tête ses tourments et, de temps à autre, un de ces moments de solitude où le dialogue avec soi-même est canalisé par la présence d’un support et d’un moyen d’inscription. Des tourments vieux comme le monde, du moins le monde des lettres. Les doutes et les blessures plus ou moins profonds qui accélèrent ou retardent l’entrée dans l’âge adulte. L’enfance s’efface. Imago, dit le dico : « BIOL. Forme définitive de l’insecte adulte sexué, à la fin de sa métamorphose (ctrl.fr) ».

Sur la page vierge, un discours latent. Des mots durs. Douloureux. Incisifs. Si elle avait eu un arbre en vue et un canif en main, elle aurait ajouté sur l’écorce sa marque. Une entaille. Une scarification. L’écorce, plutôt que sa propre peau. Un support ? L’écran. Ambivalent. Miroir ou fenêtre. Il exacerbe la violence du regard. Dans un moment incertain : «  Je ne suis pas artiste, je ne suis qu’incompris (p. 25). » Quoi voir ? Ou quoi montrer ? « Regardez votre identité éclater en morceaux (p. 47). » Sous l’écran les pièces d’un puzzle infini : le clavier. Des touches. Enfoncer. « Au risque de passer pour une obsédée textuelle (p. 3). » Hésiter. « Je ne veux plus de ces mots trop faciles et trop sages (p. 37). » Fixer l’écran du regard. Page blanche. « Je me heurte au miroir, je suis vide, je suis froide (p. 3) ». Au-delà de l’écran, le ciel. « Ces beaux nuages cotonneux entrent en moi comme des soupirs, comme l’angoisse de tourner une page irréversiblement blanche (p. 45). » Tragédie humaine ? Oui. Dans le tourbillon des questions existentielles. Dans ce « chaos orchestré (p. 5) » où se noient « Tous ces appels que je lance sans même savoir qui les entendra (p. 29) ».

Eléa a réuni 21 textes. Brefs. Lacérés. À mi chemin entre récit et poésie. Elle en a fait un livre. Sous des titres à la « légèreté profonde », sa table des matières collationne des écorchures, « Et au-delà souffle le vent ». Une manière d’apprivoiser la souffrance. Projection. « Tu te regardes dans le miroir et tu vois quelqu’un d’autre (p. 42). » Imago, complète le dico, sautant de « BIOL. » à « PSY. ». Au dessus de l’adulte sexué, l’adulte textué. Premier livre. Première mue. Nouvelle peau. Il y en aura d’autres. Autres contextes. Autres textures…

[] Xavier Casanova, août 2017

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Commentaires
M
Merci pour ce commentaire, qui restitue bien toute la liberté du lecteur face à un texte : un point d'entrée qui attire l'attention, des attentes satisfaites où déçues, dans lesquelles la curiosité s'effondre ou rebondit vers d'autres attentes. Il y a toujours une prise de risque à partager ses écrits, tant est libre et large le spectre des interprétations possibles…
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