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Isularama
30 novembre 2010

Deux randonnées spirituelles au départ de La Gare

——« Toi mon adorée fiction,
——«
Pénètre-moi de ton absence.
——«
Viens ! Mon désir t’habite.

 ——Teresa di Bavella, « Hermanos y herramientas »,
——In Extasis Mistica 
(trad. Juanfeliz Cajamusica) 

Fiction fonctionnelle. — La fiction joue un rôle majeur dans toutes les spiritualités politiques, à travers leur propension à déguiser en politiques spirituelles ce qui n’est jamais rien d’autre qu’un complexe d’intérêts très concrets, structurés autour de la confiscation de ressources matérielles et symboliques au profit exclusif de groupes qui ne se nomment jamais et ont tout avantage à ne rien faire percevoir des intérêts réels qui les lient entre eux. Cette remarque initiale délimite un segment particulier du marché spécifique de la fiction fonctionnelle. Il a été repéré par La Gare, et exploité comme une direction à explorer dans la diversification réelle de son catalogue fictif. « Le croisement des champs politiques et spirituels peut être pensé de deux manières distinctes et complémentaires : la politisation du spirituel et la spiritualisation du politique, qui ne sont jamais que le renversement l’une de l’autre », dit le dossier de presse. Sous la plume d’un auteur anonyme, Etera etc. correspond au premier mouvement, donnant une spiritualité négative, un abandon au désenchantement. Le Saint Nicolas et moi, de Sœur Marie des Riches, concorde avec le second, laissant éclore une spiritualité positive, vrai chemin de fraîche et fervente foi.


Une randonnée en spiritualité négative

COUV_ETERA_ETCEn disparaissant totalement dans l’anonymat, l’auteur de Etera etc. aura réussi à dépasser Houellebecq dans l’écrasement de l’écrivain par son texte, dans l’écrasement du texte par son prix littéraire, dans l’écrasement du prix par la critique et dans l’écrasement de la critique par la propagation épidémique des gestes d’achat, plus que de lecture, impossibles à atténuer ou à amplifier, mais fascinants parce qu’inexplicables. Spectaculaires, donc. Mais, on ne peut que constater et hausser les épaules, sans jubilation, sans indignation, dans un mélange mouvant et incertain d’impuissance et d’apathie. Les libraires font leurs piles et leurs distributions, gaies comme une vaccination de masse contre le dernier avatar de la grippe tueuse. Culture du constat résigné. La résignation est le nouvel éther, etera, en corse, ce fluide impalpable qui meuble le présent ; un présent qui n’est plus rien d’autre qu’un instant de mortalité entre deux néants : la soupe primordiale et l’extinction des espèces. À quoi bon tripatouiller le passé ? Pour le frelater encore plus ? À quoi bon trifouiller l’avenir ? On sait qu’on va dans le mur. Noir ou rose ? Qu’importe. Au mieux, juste un bon coup de gnôle avant le choc frontal, comme en 14. « Mon carbone s’en retournera d’où il vient, et je me fiche totalement de savoir si ça va se recycler en paramécie, en carbonate de calcium, etc. La liste n’est pas close, mais c’est là que je la ferme. » Le capitestu ampulosu, la préface ampoulée de Cacciamosca, est une sorte d’archéologie rapide de la pensée littéraire, visitée au pas de course dans un musée organisé comme un colombarium futuriste. Le peditestu ordinariu, la postface banalisée du même, montre en quelques pages que l’on peut aller encore plus loin dans l’exaltation de la médiocrité, avant une conclusion désespérée : « L’exaltation, si ténue soit-elle, est encore de trop. Tant que le médiocre est à nos yeux visible, c’est que nous portons encore en nous les ruines mal arasées de toutes les esthétiques révolues, vain cortège d’afflictions morales et de déchirements stylistiques. Défaillance de nos facultés d’adaptation à l’etera, etc. »

Anonyme. Etera etc. :
Capitestu ampuloso di G. F. Cacciamosca :
Peditestu ordinariu di u stessu
.
Ghisonaccia : La Gare, 2010 (Coll. « Fiction totale »)


Une randonnée en spiritualité positive

COUV_StNicolasCet ouvrage plein de fraîcheur retrace l’itinéraire spirituel d’une femme très ordinaire. Elle voue, sans ambages et sans chichis, une dévotion d’une absolue simplicité à Saint Nicolas, qu’elle tutoie dans un long monologue entièrement écrit à la première personne. « Aussi loin que je puisse remonter dans ma mémoire, je te vois distribuer tes sourires, tes caresses, tes tics et tes bonbons aux gosses de riches, accompagné du Père Fouettard qui reconduit aux portes et aux frontières les dissipés, les turbulents, les agités, les mal logés, les assoiffés, les mal coiffés, les sans papiers et les surendettés. » Dans son émouvante naïveté, cette profession de foi n’est pas sans rappeler la « foi du charbonnier », autrefois inventée par les Jésuites baroques de la contre réforme. Elle préfigurait la « foi du pétrolier » dont se réclame, de manière résolument moderne, celle qui, en religion, est appelée Sœur Aimée des Riches. Son livre séduira tous ceux qui sont à la recherche sincère et profonde d’une manière vraie et d’une façon pure de prier pour l’universelle prospérité. « Tu m’as enseigné la juste et véritable charité. Que peut donner qui n’a pas pris ? Rien. Hypocrite qui offre à partager un bien qu’il ne possède pas. Hypocrite parmi les hypocrites qui appellerait charité la dilapidation entre tous les pauvres du bien d’autrui. Lapidé soit qui dilapide ! Nicolas, mon saint chéri, mon béni adoré, puisses-tu intercéder en ma faveur auprès du Grand Financier de l’Univers pour que, par sa grâce, il me soit accordé — aussi haut que le permettent les mérites et les talents — de vivre largement au dessus du seuil de charité. » Bercy soit-il.

Sœur Aimée des Riches,

Saint Nicolas et moi,

Ghisonaccia : La Gare, 2010.

Coll. « Fiction totale »


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