Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots
Las de commenter en pures pertes les nouveautés des lettres insulaires, sous l’œil narquois d’une maîtresse inculte, bavarde, acariâtre, jalouse et désaxée, un vieux solitaire se plonge avec délice dans la littérature continentale. Son île n’étant jamais que la caricature de cette « Terre Ferme » qui lui donne son histoire, il décide de se projeter au loin, bien au-delà des mers qui l’enserrent et des rivages qui les bordent. Quoi de plus décalé dans l’espace et le temps que les classiques chinois ? C’est ainsi qu’il se plonge dans les catalogues à la recherche de sa distraction. Quête vague et ouverte à toutes les surprises. Ah ! Si on pouvait choisir les livres comme on choisit les chiots ! Tu veux un dominant ? Adopte celui qui, plus vif que les autres, saute du panier et se précipite à tes pieds. Un dominé ? Prend par la peau du cou celui qui, en tremblant, est allé s’aplatir derrière sa mère et poussera des petits cris plaintifs lorsque tu le serreras dans tes bras. Inutile de préciser que les livres sont inertes. Quoique… Un titre peut te sauter à la figure, s’imposer à toi, et te troubler par l’adéquation soudaine qui se forme entre ton état d’esprit, où des sentiments diffus peinent à former des mots clairs, et cette formule lapidaire qui soudain te pénètre et te submerge. Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots…